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ECHO de la conférence de D. ARPIN « le choix de l’amour »

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Romain Gary et Jean Seberg : L’amour jusqu’à bout de souffle

Par Isabelle Pontécaille

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Elle, l’icône de la nouvelle vague, plus enfant que femme dans ses yeux à lui, fragile, personnage nymphomane et frigide dans le film qu’il écrira et réalisera pour elle, Les oiseaux vont mourir au Pérou. Ce personnage lui collera à la peau, elle restera toujours divisée entre ses pulsions et son éducation puritaine. Lui, c’est un grand séducteur, ainsi nommé par une mère dont il ne « guérira » jamais : « -Tu seras un héros, tu seras général, Gabriele D’Annunzio, Ambassadeur de France – tous ces voyous ne savent pas qui tu es ! »[1].
Romain Gary et Jean Seberg, un amour au-delà de leur séparation, de son suicide à elle que le sien suivra, sans qu’il n’accepte d’en voir le lien. Amour fou, romantique parfois, lorsque l’écrivain provoque en duel Clint Eastwood pour une idylle, amour jamais apaisé où les effractions du réel, sexe et mort sont fréquentes.
Tout s’est joué sur un regard, mais aussi sans doute sur le fantasme d’une femme à sauver comme celle que fut sa mère, premier objet d’amour avec laquelle il faisait couple, mère qui avait programmé les envois de ses lettres après sa mort pour qu’il n’en sache rien. « Si ma mère avait eu un amant, je n’aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine. Malheureusement pour moi, je m’y connais en vrais diamants »[2] .
Jean Seberg fut pour lui à la fois un diamant et cette autre femme à sauver envers et contre tous. Leurs amours feront série, si celui-là, pour lui, reste le plus fort, il s’est décliné, comme les autres, sur fond de ravage maternel: « Il n’est pas bon d’être tellement aimé, si jeune, si tôt….la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais, on croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver…après cela, chaque fois qu’une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont que des condoléances…vous êtes passés à la source très tôt et vous avez tout bu…lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous côtés, il n’y a plus de puits, il n’y a que des mirages » [3] »
[1]Gary., Romain « La promesse de l’aube », p.16, Folio, Paris , 1960 réédition 1980
[2]ibid, p.44
[3]ibid, p.43

LE TEST DOMINIC

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La Diagonale  francophone du NRC

La Santé mentale

Dominic : réduire les biais !

L’utilisation grandissante d’instruments de dépistage précoce tel que le Dominic pour la prise en charge des troubles des conduites chez l’enfant et l’adolescent témoigne d’une époque où le temps de conclure télescope celui de voir et de comprendre. Il n’est plus de mise de s’interroger sur la manière dont le sujet parvient à nouer singulièrement langue et libido : le trouble doit être éradiqué pour faire respecter l’ordre public, sans considération pour la structure, dans une homogénéisation des signes cliniques et sans prise en compte de la fonction que peut avoir un symptôme. Plus vite il sera « diagnostiqué » dans le cadre institutionnel et normatif que reste l’école où ce test est pratiqué, plus vite il pourra être « traité », d’où l’étude des comportements sur fond de recherche systématique des facteurs de risque ayant pour conséquence un étiquetage et une stigmatisation.

Le Dominic est un « outil » auto-administré, informatisé créé au Québec, traduit en onze langues, dont l’utilisation s’étend aux États-Unis, à l’Europe et à l’Australie. Il a pour but de « dépister » à grande échelle et au plus vite les problèmes de santé mentale « dans un format similaire à un jeu d’ordinateur ». Réponse ad hoc à une société dont la rentabilisation est la boussole, il permet à moindre coût – formation (2 à 3 heures), utilisation (15 minutes), administration en groupe -, d’établir des « profils symptomatologiques », des classifications en trois catégories définies par des points verts, oranges ou rouges (normal, doute, probablement pathologique). L’anticipation d’un trouble possible est ainsi confiée à un traitement informatique immédiat qui assure « l’élimination de l’interprétation dans l’établissement d’un diagnostic » et « une amélioration de la fiabilité des réponses ». L’interlocuteur est un écran où défilent 90 images interactives accompagnées d’une question où il s’agit de répondre par oui ou non. Elles représentent  Dominique auquel l’enfant ou l’adolescent doit s’identifier dans des situations concrètes de la vie quotidienne en référence à des notions abstraites des troubles mentaux « intériorisés et extériorisés », les plus fréquents répertoriés dans le DSM4 qui sert de langage commun.

Nulle part, lors de la passation, n’est prise en compte la parole du sujet, ni bien sûr la chaîne associative qui  se déroule et permettrait de remonter à l’origine sexuelle du symptôme. Il faut, au contraire, toujours plus réduire les biais. Pourtant, comme le lapsus ou le mot d’esprit, le symptôme est une formation singulière de l’inconscient, « une vérité en souffrance » à déchiffrer au-delà de ce qui se dit, l’interprétation en permet l’allégement.

L’utilisation de Dominic et le langage informatif utilisé ne laisse pas de place au ratage, à l’équivocité, à l’invention propre au sujet. Pas d’erreur possible : la machine est passée par là, c’est oui ou c’est non. Un simple clic et l’uniformisation des comportements prévalent qui permettent d’établir des catégories « santé versus maladie », par la présence ou l’absence de troubles médicalement répertoriés et considérés comme déterminants parce que « choisis par des groupes d’experts ».

Sous couvert de prévention d’une éventuelle pathologie, d’actions précoces et curatives, l’évaluation standardisée préconisée ici à pour conséquence de ne pas tenir compte du statut natif du sujet : sa division. Il s’agit plutôt de la prescription de traitements appropriés pour que règne la paix sociale.